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Marion Vannier : Une Santé de Fer (SVM)Peoples Cpc Staff
UN ENTRETIEN AVEC MARION VANNIER, P-DG D'AMSTRAD FRANCE

Amstrad fait flèche de tout bois.

Attaquer de front le marché professionnel et celui des loisirs en annonçant de nouveaux produits dans l'une et l'autre gamme, c'est aujourd'hui la stratégie de Marion Vannier. P.D.G d'Amstrad France depuis sa création, cette jeune femme qui ignorait tout de l'informatique a jusqu'à présent réussi son pari : démocratiser l'ordinateur... et se hisser au tout premier rang des ventes en France.

UNE SANTÉ DE FER

VOLS VENEZ D'ANNONCEZ UNE nouvelle gamme professionnelle. Est-ce que cela signifie un repositionnement complet d'Amstrad sur le marché ? Allez-vous abandonner le secteur du loisir ?

Non, nous n'abandonnons pas du tout les produits de loisirs, au contraire. Juste avant la nouvelle gamme PC 2000, début juillet, nous avons lancé une nouvelle gamme loisirs, avec notamment un produit qui n'existait pas en France, à la fois chaîne stéréo et studio d'enregistrement, pour 2 500 francs, un magnétoscope programmable par code barres, etc. notre but, c'est de parvenir à un équilibre 50/50 dans notre chiffre d'affaires entre le loisir, dans lequel j'inclus les CPC, et l'informatique professionnelle.

On ne vous voit pas beaucoup, effectivement, sur le marché des produits de loisirs autres que le CPC...

Mon catalogue n'était plus assez fourni. Amstrad a été créé en 1968, et jusqu'à 1984, il n'a fait que des produits de loisirs, essentiellement de la hi-fi. Mais c'est le lancement des CPC en 1984 qui lui a donné sa notoriété et qui a fait véritablement décoller le chiffre d'affaires : il est passé, pour Amstrad France, de 35 millions de francs à 291 millions en un an ! Les revendeurs venaient avec l'argent dans les poches ; ce n'était même plus du commerce normal, on n'avait jamais vu ça... Tout cela pour vous dire que le succès des ordinateurs familiaux, puis du PC, nous a naturellement déplacés sur le terrain de l'informatique. Le public ne sait pas que nous fabriquons de la hi-fi.

Mais ne craignez-vous pas que cela renforce votre image « bas de gamme » ?

Je n'ai pas peur de cette image. D'ailleurs, je ne crois pas avoir cette image en dehors du petit milieu de l'informatique. Evidemment, lorsque nous avons lancé le PC, il a bien fallu que les gens qui vendaient des machines à 40 000 francs qui n étaient pas meilleures que les nôtres trouvent quelque chose pour se justifier ! C'est comme cette mauvaise querelle sur la compatibilité...

Moi, ce qui m'intéresse, c'est le consommateur. Avant nous, le grand public ne pouvait pas se payer des ordinateurs... C'est cela, notre image : avoir mis ''informatique à la portée de tous.

Cela dit, c'est vrai que cela peut gêner certains distributeurs, ou des clients professionnels, d'être amalgamés à des acheteurs de hi-fi. C'est la raison pour laquelle nous allons progressivement séparer les marques, avec Fidelity pour les loisirs et Amstrad pour le professionnel.

Vos concurrents avancent leurs services, alors que les vôtres seraient des plus réduits.

Mais j'en ai, des services ! J'offre des logiciels avec mes ordinateurs, je vends de la maintenance sur site, de la formation à 200 francs de l'heure dans des centres agréés, alors qu'elle coûte 4 000 francs ailleurs ; j'ai un service minitel qui fonctionne vingt-quatre heures sur vingt-quatre et où l'on répond à toutes vos questions, une hot line avec six personnes...

Pas toujours facile à contacter !

C'est vrai, il y a un problème de ce côté-là. Mais l'activité est en dents de scie ; à Noël, c'est cinquante personnes qu'il me faudrait ! Comment voulez-vous faire ? Tout cela, c'est un mauvais procès de la part de gens qui ne peuvent pas s'aligner sur nos prix. Ils ont tort, car nous n'avons pas tellement empiété sur leur marché, nous avons surtout considérablement élarg le marché lui-mème.

Votre part du marché professionnel augmente ?

Incontestablement. Et cela va jusqu'à des choses très évoluées. Lors de la prochaine Amstrad Expo, l'un de mes distributeurs, par exemple, va présenter une gestion de cabinet médical en réseau, une gestion de restaurant en réseau, un réseau scolaire, une gestion de magasin avec comptabilité, caisse, etc.

Pourtant vous navez pas de réseau au catalogue....

Non, dans ce cas-là, cest lui qui le fournit. Preuve que nos distributeurs, comme les autres, vendent de la valeur ajoutée. Quant au réseau, nous venons d'en annoncer un.

Côté professionnel, avez vous une politique de « grands comptes » ?

Non, parce que jusquà présent je n'avais pas une gamme suffisante de produits, mal adaptée aux grands comptes. Mais certains de mes distributeurs vendent nos matériels dans des grandes entreprises.

EXECUTIVE woman

MARION VANNIER, 38 ANS, P-DG d'Amstrad France, est certainement l'une des plus singulières de nos - executive women -, Ni énarque ni diplômée d'une grande école d'ingénieurs ou de commerce, elle arborerait plutôt en sautoir son absence de diplôme : « Mes études ? Je me suis mariée à 18 ans -, résume-t-elle. Pas de long parcours non plus à l'intérieur de l'entreprise pour se hisser à la tête d'Amstrad France : elle préside à ses destinées depuis la création de cette filiale à 100% de la maison mère britannique, en 1982. Seulement, elle a su être là au bon moment ; au moment où cet autre autodidacte qu'est Alan Sugar cherchait à se séparer de son importateur français pour attaquer le continent sous sa propre bannière. Marion Vannier, justement, était alors directrice commerciale de cet importateur, un poste auquel elle était parvenue après dix ans et des débuts « sur le tas ». Nul doute qu avant de lui proposer de prendre la tête de la filiale le « big boss » avait eu largement le temps de mesurer les qualités de cette battante qui lui ressemble sur bien des points.- J'imagine la tête des très sérieux administrateurs d'Amstrad lorsque Sugar leur a annoncé qu'il avait choisi une femme pour sa filiale française, raconte Marion Vannier. Et celle qu'ils ont dû faire quelques mois plus tard lorsqu'il a fallu leur dire en plus que cette femme était enceinte et devait passer toute sa grossesse allongée sur un lit d'hôpital ! » Car en présentent sa fille — la dernière de trois enfants — Marion Vannier ne manque pas d'ajouter qu elle est née avec Amstrad France : « J'ai créé la société avec une perfusion dans un bras et le téléphone dans l'autre main. Cela pour répondre par avance aux questions sur "femme et chef d'entreprise", conclut-elle !

Alan Sugar avait du flair. Manifestement avec à son tempérament de « battante » et son bagout de commerciale, Marion Vannier était parfaitement armée pour attaquer sans complexes le marché de la micro-informatique grand public avec un réseau de distribution englobant les hypermarchés et la vente par correspondance ; « C'est parce que Amstrad n'est pas dirigé par des informaticiens que nous avons pu avoir le marché », affirme-t-elle. On lui reproche de vendre des ordinateurs comme des savonnettes ? Elle tire fierté de travailler pour la masse, de démocratiser l'informatique et jubile manifestement de jeter quelques pavés dans la mare de ce milieu bien sage. « nous ne sommes pas installés dans le viii e arrondissement et nos locaux n'ont rien de luxueux, lance-t-elle avec un regard circulaire sur son bureau à l'ameublement simple, installé dans un immeuble neuf de Sèvres, nous n'avons pas besoin de tape-à-l'œil pour gagner de l'argent. Et croyez-moi, nous en gagnons beaucoup. » Car derrière sa décontraction — elle discute pieds sur la chaise et explique à qui veut l'entendre qu elle n'a pas d'ordinateur sur son bureau parce qu elle n'y comprend rien ! — cette femme laisse apparaître une redoutable efficacité. Au point d'être aujourd'hui à la tête d'une entreprise de 125 personnes développant un chiffre d'affaires qui devrait dépasser 1,2 milliard de francs pour l'année allant de juillet 1987 à juin 1988 et représente presque 20% de celui de l'ensemble du groupe. Un chiffre qui place la filiale française largement en tête des ventes hors Grande-Bretagne et justifie la place de « sa » P-DG, à côté de ces messieurs si sérieux, au sein du conseil d'administration d'Amstrad PLC...

Et avec la nouvelle gamme ?

Bien sûr, elle sera beaucoup plus adaptée. Nous verrons. Mais en principe, je préfère passer par mes distributeurs plutôt que de faire de la vente directe.

Justement, votre réseau de distribution, où en est-il ? Comptez-vous le changer ?

Le réseau de distribution ne change pas, mais il évolue. J'ai d'un côté là VPC, qui représente 10% de mon chiffre d'affaires, les grandes chaînes comme Conforama, Auchan, Darty, qui réalisent l'essentiel de leurs ventes en fin d'année sur des produits familiaux.

L'idée de lancer une gamme professionnelle est d'ailleurs venue en partie de là : étaler les ventes sur Tannée pour lisser la production... Du côté des revendeurs traditionnels, j'en ai 500 environ sur 2 500 qui font 80% des ventes dans cette catégorie. C'est sur eux que je vais m'appuyer pour commercialiser la nouvelle gamme. Celle-là, on ne la trouvera pas dans les supermarchés !

Certains vous reprochent pourtant des problèmes d'approvisionnement.

La situation de leader sur un marché n'est pas toujours confortable ; à la moindre rupture de stock, on me fait un scandale. Les gens sont ingrats, parce que, tout de même, on leur a fait gagner de l'argent !

Leurs marges ne sont pas terribles...

Nous non plus nous ne faisons pas de grosses marges. Personne n'a de grosses marges avec Amstrad, c'est sur la quantité qu'on gagne de l'argent. Mais je voudrais revenir sur la question de l'approvisionnement. Le véritable problème, c'est la pénurie sur le marché mondial des composants ; la situation est vraiment grave, car nous ne savons pas si les fournisseurs pourront suivre. Alors, comme il faut dix-huit composants introuvables pour fabriquer une machine avec simple lecteur, et pas plus pour un ordinateur avec disque dur, tout le monde a tendance à privilégier les plus chers...

Quant à moi, mes commandes sont bouclées jusqu'à la fin de l'année, je ne peux pas faire plus.

Pour tenir vos prix, comment faites vous ? Comment sont fabriqués les Amstrad ?

Nous nous fournissons sur le marché mondial, comme tout le monde, et la fabrication se fait dans le Sud-Est asiatique. Mais nous avons des accords très stricts avec nos sous-traitants sur le prix des composants, avec un plafond à ne pas dépasser. C'est Alan Sugar lui-même qui négocie avec les fournisseurs. Vous savez, ils sont malins : certains circuits qui coûtent 8 francs pour des chaînes hi-fi sont proposés à 76 francs pour des ordinateurs ! Si vous n'êtes pas du métier, vous n'y voyez que du feu... Ce qui n'est pas le cas de Sugar.

Et le conception des produits ?

Pour la conception et la mise au point, en revanche, tout est fait en Angleterre. Un produit n'est envoyé chez les sous-traitants que lorsqu'il est parfaitement au point et • que son plan marketing est bouclé, nous tenons beaucoup à ce côté conception car Amstrad est un innovateur, depuis toujours. Par exemple : la présentation des chaînes stéréo compactes en rack vertical, dessinée comme si elle était faite d'éléments séparés, c'est une idée d'Amstrad. Pour la gamme PC 2000, c'est pour des raisons de marketing que nous nous en sommes tenus aux standards du marché, en écartant délibérément certaines innovations que nous aurions pu faire ; mais parfois, il ne sert à rien d'être trop en avance, d'avoir raison avant les autres.

Vous avez amorcé une réorganisation interne pour répondre à l'arrivée des PC 2000. Si c'est un gros succès, arriverez-vous à suivre ?

J'embaucherai, je prendrai de nouveaux locaux ! Chez Amstrad, on a l'habitude de réagir très vite, sans s'embarrasser de superflu. L'autre jour, j'ai reçu un coup de téléphone chez moi, à 11 heures du soir, pour me demander d'être à Londres le lendemain ; j'y étais. Tout se fait comme ça. n'oubliez pas qu'en 1982 j'ai débuté seule. En 1984, quand on a commencé à commercialiser les CPC, on n'était guère plus nombreux ; je n'avais aucune structure, nous n'étions même pas informatisés. Je n'ai pas peur de l'expansion.

Amstrad France est en tète des ventes de marque en Europe, après la Grande-Bretagne. Que se passe-t-il dans les autres pays ?

Cela se passe très bien ! A l'exemple de la France, où fut créée la première filiale, nous sommes en train de monter un peu partout notre propre réseau. C'est le cas en Espagne, où nous avons racheté notre importateur, et en Allemagne, après l'interruption des accords avec Schneider, nous avons également créé cette année Amstrad Italie, Amstrad Pays-Bas, directement géré par Londres, et je m'occupe moi-même de la commercialisation en Belgique. Bref, nous préparons activement le Marché européen de 1992. Mais nous sommes également en train de lancer une nouvelle filiale en Australie.

Et les Etats-Unis ?

Nous y avons une société. Mais nous n'avons pas décidé de faire le forcing ; à notre avis, nous ne possédons pas encore de produits parfaitement adaptés à ce marché. Alors, mieux vaut prendre son temps.

LES CHIFFRES CLES

Le chiffre d'affaires global d'Amstrad Plc, pour l'année comptable allant du 1er juillet 1987 au 30 juin 1988, qui vient juste de nous parvenir à l'heure où nous bouclons ce numéro hors série, se monte à 626 millions de livres sterling, soit environ 6,5 milliards de francs, contre 51 1,8 millions de livres (environ 5,5 milliards de francs) pour l'exercice précédent, soit une progression de 22,2%. Le bénéfice avant impôt sélève à 160,4 millions de livres (1,7 million de francs), contre 135,7 millions de livres (1,45 milliard de francs) l'année dernière. (18,2% d'augmentation).

94,4% de ce chiffre d'affaires est réalisé en Europe ; en Amérique du nord, Amstrad reste quasiment inconnu (2,6% du CA). L'évolution vers les marchés professionnels est sensible, puisque ceux-ci représentent 54% du chiffre daffaires, contre 38% en 1986. Avec 43,5% des ventes, la Grande-Bretagne, berceau de la société, reste largement en tête des pays de diffusion d'Amstrad, suivie par la France (18,1%), l'Allemagne (12,5%) et l'Espagne (12,2%), où l'évolution des ventes est remarquable.

Les ventes de matériel informatique en Europe (y compris ceux commercialisés sous la marque Sinclair) ont représenté en 1987 1 496 000 unités, soit près de 23,8% du marché, les compatibles IBM PC représentant 30% de ces ventes. Le parc d'ordinateurs Amstrad installé est évalué à 6 130 000 unités. Les produits informatiques constituaient, en 1987, 75% des ventes d'Amstrad.

Amstrad France annonce pour le dernier exercice (juillet 1987-juin 1988) un chiffre d'affaires de 1,249 kmilliard de francs, contre 950 millions de francs l'année précédente, soit une progression de 37%. 266 000 unités ont été vendues en 1987, dont 90 000 PC (34%) et 153 000 CPC, les PCW représentant quant à eux environ 5% des ventes. Mais pour le dernier exercice, les ventes de PC représentent à elles seules un CA de 464 millions de francs, soit une progression de 85%. Le bénéfice avant impôts se situerait, selon Marion Vannier, autour de 25% du chiffre d'affaires.

Sources : EDF France (Lettre de DC), n°116 ; Amstrad Plc, rapport annuel ; Amstrad France.

Propos recueillis par Catherine PALIERNE et Bernard MONTELH, SVM HS n°5

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L'Amstrad CPC est une machine 8 bits à base d'un Z80 à 4MHz. Le premier de la gamme fut le CPC 464 en 1984, équipé d'un lecteur de cassettes intégré il se plaçait en concurrent  du Commodore C64 beaucoup plus compliqué à utiliser et plus cher. Ce fut un réel succès et sorti cette même années le CPC 664 équipé d'un lecteur de disquettes trois pouces intégré. Sa vie fut de courte durée puisqu'en 1985 il fut remplacé par le CPC 6128 qui était plus compact, plus soigné et surtout qui avait 128Ko de RAM au lieu de 64Ko.