★ PEOPLES ★ AMSTRAD JOUE LA CARTE INTEL|SVM) ★ |
Amstrad joue la carte Intel |
Ventes en chute libre, chiffre d'affaires au plus bas, pertes record de plus de 600 millions de francs... Au plus mal de sa forme, Amstrad réagit enfin en annonçant de bonnes machines haut de gamme à base de 486. Des micro-ordinateurs qui ont une autre particularité : ils sont cosignés et fabriqués par Intel. Le trèfle à quatre feuilles portera-t-il chance à Amstrad?Depuis quelque temps, tout semble aller mal pour Amstrad ! Mais le Crocodile ne se laisse pas démonter pour autant et, comme la plupart des fabricants de micro-ordinateurs, adopte le processeur 486 d'Intel. Les trèfles passent ainsi de trois à quatre feuilles, même hors des affiches publicitaires d'Intel. Mais Amstrad aborde ce cap d'une manière pour le moins surprenante. D'abord, en restant fidèle à son image de spécialiste de la grande diffusion, le constructeur britannique lance le 6486 SX. un modèle bâti autour d'un processeur 486 SX à 20 MHz, à 13 990 F TTC (avec MS-DOS 5. Windows 3 et Works) et, comme tous les autres micros qu'il a conçus jusque-là, fabriqué dans le Sud-Est asiatique. Rien de révolutionnaire. Mais la grande surprise vient de la série LP 8486, à base de processeurs 486 SX à 25 MHz et DX à 33 MHz. et dotée d'un bus EISA. Là, Amstrad vise le haut de gamme et ajuste les prix en fonction: entre 20 000 et 30 000 F HT environ, selon la configuration. Nos tests le prouvent: ce ne sont pas des modèles ordinaires, mais plutôt des “surdoués". Certaines caractéristiques, comme l'intégration en standard d'une sortie réseau local, les situent résolument au top niveau des solutions professionnelles (voir encadré “LP8486: un exemple d'intégration”). Quant à la série ES 8486, équivalente à la gamme LP tout en étant moins sophistiquée (sans interface réseau ni interface SCSI, et avec un bus ISA), elle est proposée à partir de 11 000 F HT. Ces ordinateurs ont une autre particularité. Leur deuxième nom en dit long : “Amstrad Professional Serie-i Technology by Intel” (voir encadré “Douze nouveaux modèles”). Jusqu'alors toujours engagé dans la bataille seul contre tous, Amstrad s'est trouvé un allié pour le combat des 486. Mais pas d'affabulations. Une telle dénomination ne signifie pas pour autant qu'Amstrad et Intel, le casseur de prix et le roi du microprocesseur, ont convolé en justes noces. Certes, Intel fabrique dans son usine irlandaise la série LP 8486, du moins le boîtier (hors écran et clavier), mais ce n'est pas une chose nouvelle. Il a déjà longuement pratiqué la sous-traitance pour des grands de la micro-informatique, mais jusqu'à présent, ceux-ci clamaient qu'ils étaient les constructeurs de ces machines, qu'ils baptisaient d'ailleurs de leur propre nom. Seuls Métrologie et DEC diffusaient des produits Intel sans en dissimuler l'origine. Aujourd'hui. Amstrad se distingue en annonçant haut et fort : attention, fabrication Intel ! Stratégie qui convient parfaitement à ce dernier. En effet, la firme, qui subit la concurrence d'AMD. de Cyrix et autres fabricants de clones, mène désormais une campagne de marque, discrète mais ferme, avec des labels “Intel inside” permettant de repérer la présence de ses composants dans les machines. Amstrad revendique cependant la conception proprement dite des ordinateurs : les séries LP et ES 8486 ont été élaborées à partir d'un cahier des charges maison et on ne les retrouvera donc pas à l'identique sous une autre marque. Avec cette famille de micro-ordinateurs, Amstrad aborde un virage important, au moment où elle connaît les pires difficultés de son existence avec des pertes importantes et une restructuration draconienne. Pour affronter le monde professionnel, le Crocodile ne pouvait pas trouver de meilleure garantie de sérieux et de haute technicité. À sa charge de démontrer maintenant ses qualités de vendeur, largement reconnues sur le marché de l'informatique familiale ou semi-professionnelle, mais moins évidentes dans le haut de gamme, du moins en France où une image ludique lui colle à la peau. Pour cela, durant l'été. Amstrad France a mis sur pied un réseau de distribution adapté en sélectionnant. parmi ses fidèles revendeurs, ceux qui sont en mesure d'aborder les applications professionnelles, et en prospectant les sociétés de services. Le plus son nez dans les problèmes techniques. Pour le service après-vente, il a passé un accord avec NCR, qui va prendre en charge la maintenance de toute la gamme, depuis les modèles de base jusqu'à la lignée 486. Avec ses quarante-et-un centres techniques répartis dans toute la France, NCR proposera constructeur ne met un contrat de maintenance sur site pour un tarif particulièrement intéressant (534 F TTC pour la première année). Le support téléphonique sera également confié à NCR.
1992 : Amstrad se lance dans le haut de gamme Ce partenariat s'inscrit dans les nouvelles stratégies “amstradiennes”. Comme l'explique Claude Littner, directeur général de la filiale française depuis le 1er avril 1992 : “Désormais, soit nous investirons à fond dans des domaines où nous sommes forts, soit nous nous associerons avec des partenaires leaders dans leur secteur." Déjà, Amstrad récidive. On parle en effet d'une collaboration avec Sega, qui mettrait au point un système permettant l'intégration de ses célèbres consoles de jeux dans des PC d'Amstrad. Ce projet illustre la double politique informatique du constructeur: se développer vers le haut de gamme professionnel qui est en pleine expansion et générateur de juteux chiffres d'affaires, et conserver sa position dans le domaine familial en apportant des solutions complètes à des prix accessibles. D'ailleurs, en même temps qu'elle lance les 486, Amstrad sort deux autres micros à base de 286 et 586 SX à 25 MHz (aux prix respectifs de 6 990 F et 8 990 F TTC). Pour faire face à la crise, la diversification est de rigueur, que ce soit au niveau des produits de loisirs, avec notamment le retour de la gamme audio, ou du développement de nouveaux secteurs comme les antennes paraboliques, les fax et les vidéophones.
Dans cette réorientation, la sortie de micro-ordinateurs professionnels constitue un événement de première importance. Combat de la dernière chance, diront certains. Renouveau inespéré, répondront d'autres. En tout cas, il s'agit là d'un nouvel épisode dans la saga Amstrad, déjà parsemée d'embûches mais également riche en coups de théâtre. Un véritable feuilleton qui tient à la fois du thriller et du conte pour 1986: numéro un sur le marché européen Au-delà des contes, certains préféreront les comptes rendus plus précis. C'est donc en 1968 qu'Alan Michael Sugar décide de faire de ses initiales un symbole de réussite. Amstrad commence sa carrière dans le monde de la hi-fi et de la vidéo. Brillamment puisque, dès 1980. la société est cotée à la Bourse de Londres. En 1982, Alan Sugar crée avec Marion Vannier la filiale française: Amstrad France sera l'un des fleurons du groupe, et restera la filiale numéro un jusqu'à ce que l'Allemagne unifiée lui prenne récemment sa place. L'aventure micro-informatique commence véritablement en 1984 avec le lancement de l'ordinateur familial CPC 464 à lecteur de cassettes, suivi rapidement de modèles plus performants mais originaux par leur format de disquettes trois pouces résolument incompatible! La réussite est tout aussi rapide: les CPC 464 puis 6128 s'imposent comme des ordinateurs de jeu bon marché, dont les prix restent toujours en deçà des tarifs de la concurrence. Dès 1985, Amstrad revendique la première place de la micro-informatique familiale en Europe. À l'automne 1985, c'est l'ordinateur de traitement de texte PCW 8256 qui fait son apparition. L'objectif : remplacer la traditionnelle machine à écrire. Mais le message semble moins bien passer et, en France notamment, les ventes n'atteignent pas les objectifs. Pour Alan Sugar, P.-D.G. d'Amstrad, l'année 1991-1992 a été particulièrement douloureuse. Maintenant, c'est l'heure de la restructuration >> Septembre 1986, pavé dans la mare : le Crocodile lance un PC à 5 000 F HT à une époque où les prix les plus bas restaient au-dessus de la barre des 10 000 F. Le PC 1512 défraye la chronique. Compatible, pas compatible ? Le débat s'engage et se perd dans les détails. Les grands noms de la micro hésitent entre le mépris et la crainte, certains revendeurs n'osent pas mécontenter leurs prestigieux fournisseurs en plaçant sur leurs étagères quelques PC 1512. D'autres se lanceraient bien dans l'aventure, mais les Amstrad se font attendre, surtout les modèles dotés d'un disque dur. Malgré ces difficultés de livraison, qui persistent en France jusqu'en mai 1987, les résultats des ventes sont prometteurs. Marquée également par le rachat de Sinclair - fabricant anglais d'ordinateurs grand public et principal concurrent -1986 se révèle une excellente année : selon International Data Corporation, Amstrad se taille la première place sur le marché européen cette année-là, avec 1 750 000 micros vendus, tous modèles confondus. A titre de comparaison, la même année, Commodore vend 1 200 000 unités. << Au zoo, le Croco ! Amstrad a décidé d'abandonner son célèbre animal et de changer d'image de marque. Au niveau des PC, avec 160 000 PC 1512 placés, Amstrad réalise en 1986 environ 40% du score d'IBM, incontestable numéro un avec des ventes européennes de 365 000 unités. Amstrad ne déstabilise pas pour autant le marché et ne vient pas voler les parts des autres. 1989 : la situation tourne au vinaigre En fait, le gâteau, de tartelette, devient une pièce montée ; c'est l'explosion de la micro-informatique. En Grande-Bretagne, à titre d'exemple, le marché fait un bond de 20%. La recette d'Alan Sugar y est sûrement pour quelque chose : le monde des PC se démocratise et les éditeurs de logiciels suivent le mouvement en cassant les prix. En septembre 1987, Amstrad poursuit l'opération et complète sa gamme par le haut avec le PC 1640, équipé d'un disque dur et d'un écran couleur à la norme EGA. Excellente cuvée encore en 1987: l'informatique représente alors 75% du chiffre d'affaires de la société. Mais, en 1989. la situation commence à tourner au vinaigre. En septembre, Amstrad tente de frapper un nouveau grand coup en annonçant la ligne des PC 2000 qui doit la consacrer sur le marché professionnel et faire basculer son image encore trop marquée par le monde des jeux. Une offre de vingt-quatre modèles à base de microprocesseurs 80286 ou 386. Bref, le grand jeu ! Hélas, retard encore à la sortie des machines : Amstrad se heurte à des difficultés d'approvisionnement en composants mémoire. Devenues rares, les mémoires DRAM voient leur prix doubler, un marché noir commence même à apparaître. Comble de malchance : trois mois après leur commercialisation, les PC 2000 doivent être en partie révisés, certains présentant un défaut au niveau du contrôleur de disque dur. Résultat : 19 000 machines sont retournées en usine (dont 4 000 en France), soit un coût global de cinq millions de francs. Un coup sérieux porté à la crédibilité d'Amstrad. La diversification commence. Télécopie, téléphonie... Alan Sugar cherche de nouvelles voies d'expansion tout en gardant le cap sur le créneau de la micro bon marché. Mais il n'est plus le seul, et la guerre des clones fait rage. Chez Amstrad, on ne se laisse pas abattre. Plusieurs nouvelles séries de PC voient le jour et même des portatifs, dont un modèle à écran couleur. Mais le chiffre d'affaires stagne, les profits s'effritent. La tempête qui agite le monde de la micro-informatique n'épargne pas Amstrad. Toutefois, ses autres secteurs d'activités la maintiennent au-dessus des flots. Ainsi la firme réussit-t-elle à conquérir 25 % du marché des télécopieurs en Grande-Bretagne. En France, la situation est plus délicate et Alan Sugar regrette le protectionnisme qui le gêne sur le marché des fax comme sur celui des antennes satellite. Mais ce n'est qu'en 1992 que la société annonce des pertes. Des pertes importantes. Pour l'exercice clos en juin dernier, elles sont de l'ordre de 65 millions de livres (près de 620 millions de francs) pour un chiffre d'affaires de 550 millions de livres. De plus, la situation n'a fait qu'empirer dans le courant de cet exercice : en effet, de juillet à décembre 1991, les pertes atteignaient 15 millions de livres et ont donc plus que triplé de janvier à fin juin 1992. Et le chiffre d'affaires représente juste un peu plus que celui réalisé en six mois l'année précédente (326 millions de livres). Ce sont surtout les mauvais résultats en micro-informatique qui expliquent le désastre. Amstrad France subit de plein fouet le choc. Son chiffre d'affaires atteint pour l'exercice 1991-92 environ 420 millions de francs (contre 660 millions en 1990-91 et 1 milliard en 1989-90). L'effectif qui, aux meilleurs jours, frisait les cent-quarante salariés, descend à quarante personnes. Une première restructuration avait été opérée en 1990. Elle s'est poursuivie avec l'arrêt de certaines activités comme la famille des CPC, la suppression de la cellule de maintenance, la réduction du personnel administratif du fait du regroupement des bureaux et entrepôts en un même lieu. Au printemps 1992, nouveau coup dur pour Amstrad France : en désaccord avec la nouvelle politique d'Alan Sugar, laissant moins d'autonomie aux filiales, Marion Vannier démissionne. Un événement de taille quand on sait que son portrait était accroché chez certains revendeurs. Également chargé des opérations internationales, Bernard Steiner l'a remplacé à la tête de la filiale.
Actuellement, c'est Claude Littner, un Anglais spécialiste du redressement d'entreprises, qui, en tant que directeur général, mène la restructuration. L'objectif est d'enrayer la dégringolade du chiffre d'affaires et d'arriver dès l'année prochaine à l'équilibre. Équilibre sur un fil. D'autant que les machines à base de 486 se font attendre depuis mai 1992. Aux dires mêmes de Claude Littner. la gamme Amstrad by Intel ne devrait pas générer un chiffre d'affaires important dans l'immédiat. Il s'agit plutôt d'une implantation sur le marché professionnel et d'une stratégie à moyen terme. Environ 1 500 unités devraient être livrées dans un premier temps sur le marché français. Par contre, les 6486 d'origine asiatique devraient avoir des retombées plus rapides, et les dirigeants d'Amstrad pensent en retirer un chiffre d'affaires de 300 millions de francs. Du beurre dans les épinards... En 1991, sur un marché français où les volumes de vente des PC tournent approximativement autour de 700 000 unités, toutes catégories confondues, Amstrad a vendu 25 000 PC-XT et 18 000 PC-AT (80286 et 386) ainsi que 2 000 Games Pack (solution familiale ludique bâtie autour d'un PC 80286 et qui, en principe, est vouée à la grande diffusion). En revanche. elle a réussi à écouler, avant de les abandonner totalement, quelque 43 000 CPC qui restaient en stock. Des résultats qui sont loin d'être brillants, surtout pour une société qui briguait les premiers rangs du marché européen. A titre comparatif, on peut signaler qu'en 1987-1988 (de juin à juin), Amstrad France avait vendu quelque 90 000 PC. malgré des problèmes de livraison, et en un seul mois, en décembre 1987, le père Noël avait mis dans sa hotte 48 287 CPC ! Aujourd'hui, Amstrad revendique seulement 7 % du marché des PC à base de 80286 et 386. En bas de gamme avec les PC-XT, Amstrad se partage le marché, à part égale semble-t-il, avec Atari et Commodore. En ce qui concerne les portatifs, la société a raté le coche. Arrivée trop tard, elle n'a pas su s'implanter sur ce créneau en France, alors qu'en Grande-Bretagne elle a réussi à conquérir la première place (voir encadré "L'année prochaine si tout va bien... ”). Mais même dans son pays, la firme perd sa place de leader. Si elle reste le Number One du bas de gamme, elle est quatrième pour les 386. Que va donner la cuvée 486 ? Amstrad garde-t-elle ses chances à un moment où l'on pressent, dans cette catégorie aussi, une âpre guerre des prix ? Un domaine où Amstrad n'a peut-être pas dit son dernier mot. Wait and see !
Martine GUENZET, SVM
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