★ HARDWARE ★ Les CPC ★ LE MONDE DE L'AMSTRAD ★ |
CPC: Le Monde de l'Amstrad (Science et Vie Micro) |
Véritable phénomène de vente de cette saison en microinformatique familiale, l'Amstrad CPC 464 est-il bien parti pour tenir ses promesses une fois le premier engouement passé ?Après le premier banc d'essai - élogieux - que nous lui avions consacré en octobre dernier, nous revenons aujourd'hui sur la mouvance suscitée par l'Amstrad : plusieurs périphériques, le système d'exploitation CP/M, des logiciels en quantité appréciable sont désormais disponibles. Aussi bonne soit-elle, une machine n'est rien si elle n'est pas accompagnée d'un environnement à la hauteur. Celui de l'Amstrad l'amènera-t-il dans un an au niveau du Commodore 64 ou du Spectrum ? L'AMSTRAD, C'EST COMME « L'amant » de Marguerite Duras : un succès entièrement dû au public, ni la publicité - pas plus tapageuse que celle de nombreux ordinateurs moins chanceux -, ni la presse - qui a découvert la machine en même temps que les acheteurs - n'ont été véritablement décisives. Les utilisateurs ont plébiscité ce produit sur un seul facteur : la conception d'ensemble avec un bloc comprenant l'unité centrale, un clavier mécanique, un bloc numérique et un magnétophone à cassettes, et un autre rassemblant un moniteur et l'alimentation, le tout pour le prix jamais vu de 2 990 F avec écran monochrome ou 4 490 F avec écran couleur. Accessoirement, des caractéristiques comme la rapidité du Basic, les 8 fenêtres, les possibilités sonores, les 80 colonnes et la qualité de la documentation ont contribué à emporter la décision. Les utilisateurs les mieux renseignés ont pu aussi être favorablement impressionnés par le sérieux manifesté par Amstrad, dans un domaine où l'argent facile fait souvent oublier le respect du consommateur : filiale à part entière implantée en France depuis plusieurs années (elle vend aussi des chaînes hi-fi bon marché), dates de sortie tenues, bonne francisation de la documentation et des logiciels. Sans précédent Résultat : plus de 60 000 unités vendues de septembre à fin mars, selon Amstrad France, et un rythme de croisière de 15 000 ventes par mois. En cette première partie de l'année 1985, très morose dans ce secteur, « l'Amstrad est la machine qui sauve les revendeurs » , juge Laurent Weill, de la société de logiciel Loriciels. « Sans elle, ils ne sauraient pas ce qu'ils feraient. Ils me disent qu'ils n'ont jamais vu une telle demande pour aucune machine... » . Pas même pour l'Oric, sur lequel pourtant on se ruait aussi il y a un an. « Si ça continue comme ça » , estime Denis Thébaud, d'Innelec le grand distributeur de logiciels familiaux, « Amstrad aura pris plus de la moitié du marché à la fin de l'année » Pour réaliser cet espoir, la qualité et l'ampleur de l'environnement de l'ordinateur - périphériques et logiciels - sont primordiales. En effet, aussi bon soit-il, l'Amstrad n'a rien d'une machine révolutionnaire ou d'avant-garde, comme le QL de Sinclair, le Macintosh d'Apple ou le futur ST d'Atari : c'est un 8 bits - les trois engins cités sont des 16-32 bits - muni d'un fort classique microprocesseur Z 80 et faisant appel à un système d'exploitation déjà ancien, CP/M. A moyen terme, seule une bibliothèque de logiciels de qualité lui permettra de résister, comme l'Apple lie ou le Commodore 64 résistent aujourd'hui. Début avril, on pouvait estimer que 100 à 150 titres étaient disponibles en France, dont une majorité importés par Amstrad, ce qui dénote un effort important du constructeur pour soutenir sa machine. Revue de mode Voyons donc ce qui habille aujourd'hui l'Amstrad, suivant les divers usages auxquels on peut l'employer. Premier but d'un ordinateur familial : la programmation. Là, le premier bilan est bon. Nous avons déjà dit tout le bien que nous pensions du Basic incorporé (voir SVM n° 10). D'autres langages existent aussi : un puissant assembleur-désassembleur-moniteur chez Hisoft, nommé Devpac , un bon Pascal sur disquette à 390 F, et le Logo de Digital Research, qui est fourni sur disquette avec l'achat du lecteur. Chez Ere Informatique, un compilateur Basic est en préparation : il permettra d'accélérer l'exécution des programmes. On note aussi l'existence d'un Forth et d'un second Logo, uniquement en Angleterre pour l'instant.
Très vite, pour qui veut programmer, la qualité de la documentation disponible devient primordiale. Outre le manuel fourni avec l'ordinateur, qui est très clair, un catalogue de titres s'est constitué chez les éditeurs indépendants, prompts à sauter dans le train d'une machine à succès. Les néophytes disposent notamment d'« Amstrad, premiers programmeur » chez Sybex, et de « L'utilisation de l'Amstrad » chez Hachette. Quant aux programmes chevronnés et aux créateurs de logiciels, ils bénéficient d'un soutien assez complet, depuis les « Trucs et astuces » de Micro-Application à 149 F, jusqu'au précieux « Firmware » à 245 F édité par Amstrad, le guide des adresses de la mémoire morte.
En matière de création graphique, l'Amstrad souffre encore de quelques lacunes : il n'y a ni tablette à numériser ni logiciel de dessin puissant, celui actuellement en cours de commercialisation, « Salut l'artiste », étant limité et peu pratique. On ne trouve pas non plus d'utilitaires qui seraient bien utiles, tels des générateurs de caractères ou de motifs graphiques programmables (« sprites » ). Tous les ordinateurs familiaux commencent par s'entourer de jeux, et celui-ci ne fait pas exception à la règle, Chez Innelec par exemple, qui distribue 90 logiciels pour Amstrad, y compris certains importés par Amstrad France, on trouve une cinquantaine de jeux. De façon générale, les jeux de toutes provenances que nous avons testés possèdent de très bons graphismes, et n'ont rien à envier sur ce plan-là à leurs homologues pour Commodore 64 et Apple 11, la référence en la matière. Certains, tels « Sorcery » de Virgin, le simulateur de vol « Fighter Pilot » de Digital Intégration ou « Jewels of Babyion » sont même d'une qualité tout à fait remarquable. Les possibilités graphiques de l'appareil et le bon rendu des couleurs du moniteur CTM 640 facilitent la tâche aux programmeurs. Par contre, ceux-ci n'ont pas semblé jusqu'à présent avoir tiré parti des possibilités sonores de l'Amstrad, elles aussi impressionnantes. La complexité de leur mise en œuvre est peut-être à mettre en cause. Les 100 titres de la gloire Si l'on additionne les jeux d'Amsoft, le bras logiciel d'Amstrad, et ceux proposés par les éditeurs indépendants (surtout des Anglais pour le moment), on arrive à plus d'une centaine de titres sur le marché français. On retrouve parmi eux de nombreux best-sellers réalisés à l'origine pour le Spectrum ou l'Oric : Du côté des jeux d'aventures, la moisson est plus maigre. Evidemment, il faut traduire... On ne s'étonnera pas non plus de ne voir que 9 titres au catalogue Amstrad des jeux éducatifs, au prix de 99 F, Ils sont réalisés en Angleterre, par Boume Educational Software, et, surprise ! ils sont bien faits... et en français. Quelques périphériques viennent agrémenter le plaisir du jeu : une manette de 145 F, de bonne qualité mais un peu ferme, un crayon optique de 400 F et un synthétiseur vocal de 550 F (ces deux derniers produits proviennent d'une société française, Micro Bureautique 92).
Les jeux, c'est bien, mais la tarte à la crème de tous les ordinateurs familiaux qui se respectent, c'est de prétendre à des utilisations dites « semi-professionnelles ». Bien souvent, cela nécessite en réalité l'acquisition d'extensions hors de prix. C'est le cas par exemple du Spectravideo 318, c'était le cas du Texas Instruments TI 99/4A. L'Amstrad CPC 464 n'est pas trop mal loti de ce point de vue. Après tout, on peut disposer d'une unité centrale avec deux lecteurs de disquettes sous CP/M, un moniteur monochrome et une imprimante pour 10 000 F environ. Actuellement, la mémoire de 64 Ko est un peu faible pour des applications professionnelles : Amstrad n'exclut pas de sortir à la rentrée un modèle avec 128 Ko de mémoire. (Amstrad prépare également une machine de 4 500 F avec lecteur de disquettes incorporé, moniteur monochrome mais toujours 64 Ko, le CPC 664, dont nous vous avons parlé le mois précédent.) Le clavier est mécanique, ce qui est obligatoire pour un usage soutenu. (Sous les touches se trouve une membrane, il est vrai : la technologie est plus primitive que celle d'un véritable clavier professionnel.) La machine peut afficher 80 colonnes de texte en standard, ce qui est indispensable pour des applications sérieuses. Le moniteur est fourni, ce qui rend inutile le recours au téléviseur, très inconfortable pour un usage prolongé, ( notons, à ce sujet, qu'on aura intérêt à choisir l'écran monochrome de préférence à l'écran couleur si l'on n'entend pas beaucoup jouer, l'affichage des caractères étant alors beaucoup plus lisible.) Le constructeur propose une imprimante 80 colonnes à impact bon marché, faite pour se brancher sans problème sur l'interface Centronics. Il est vrai qu'elle est rustique : matrice de 5 x 7, pas de jambages descendants, , majestueuse lenteur (50 cps) et bruit généreux. Mais pour 2 490 F, avec des possibilités graphiques, ce n'est pas si mal. (Les connaisseurs reconnaîtront là la classique Seikosha QP 500 A, recarrossée.)
Lecteur averti Ultime pierre de touche de l'ordinateur " semi-professionnel " : le lecteur de disquette. Mais il y a lecteur et lecteur... Premier mauvais point : celui-ci (d'ores et déjà vendu en France) est au format 3 pouces, et non 3,12 pouces. Peu de constructeurs fabriquent des lecteurs de ce type, et aucune société en France ne semblait posséder d'installations de duplication de disquettes 3 pouces début avril. Second mauvais point : il ne peut stocker que 160 Ko formatés par face dans son format le plus courant. Avec deux lecteurs (le maximum), on n'aura donc que 320 Ko en ligne, moins que sur un seul lecteur d'IBM PC. Bon point : le premier lecteur, avec contrôleur, ne coûte que 2 890 F, alors que ses homologues familiaux dépassent en général allègrement la barre des 3 000 F. (Le second coûte 2 390 F seulement.) Mentionnons en passant que Micro Bureautique 92 propose un lecteur de, tenez-vous bien, 1 Mo pour 3 990 F, mais il est au format ½ pouces, est dépourvu de contrôleur et ne peut donc servir que comme second lecteur.
Côté logiciel, deux systèmes d'exploitation complémentaires sont livrés : l'AMSDOS propre au constructeur, qui regroupe lescommandes permettant de sauvegarder et de charger rapidement sur disquettes vos programmes et vos données en Basic, et la version 2,2 de CP/M dans son intégralité. C'est ce dernier logiciel, standard du monde 8 bits professionnel, qui ouvre l'espoir d'échapper à l'informatique strictement familiale. Espoir fondé ? Observons tout d'abord que les deux systèmes d'exploitation sont bien intégrés. On passe de l'un à l'autre par une simple commande, et ils sont entièrement compatibles, car ils utilisent le même format de fichier et le même répertoire. On pourra donc, par exemple, utiliser un traitement de texte sous CP/M pour corriger un programme Basic enregistré sous AMSDOS (au format ASCII obligatoirement). Pour bien maîtriser CP/M, cependant, il faut acquérir séparément auprès d'Amstrad le « DDII Firmware Manual », pour 245 F. Egalement au chapitre des inconvénients, l'AMSDOS ne laisse que 41,5 Ko de mémoire disponible (contre 44,75 Ko sous CP/M) : les programmes Basic qui remplissent les 42,5 Ko disponibles sans lecteur ne pourront être transférés sur disquette. Et surtout, il n'y a pas encore de fichiers à accès direct sous Basic : il faudra attendre pour cela l'arrivée du logiciel adéquat, à l'étude. Alors, machine professionnelle ? Les vendeurs d'ordinateurs vous disent : « CP/M, c'est la porte ouverte à une immense bibliothèque de logiciels professionnels standards. » Ce n'est qu'à moitié vrai. Il n'est pas question d'acheter dans une boutique une disquette de traitement de texte pour Apple sous CP/M, par exemple, et de la mettre dans le lecteur Amstrad. D'abord parce qu'elle ne rentrerait pas (c'est une disquette 5 pouces ¼). Ensuite parce que même si elle était au format physique 3 pouces, le format logique d'enregistrement des données sur la disquette resterait différent d'un ordinateur à l'autre. L'adapter est relativement simple. Encore faut-il que l'éditeur ou le constructeur décide de le faire, Obstacle supplémentaire, les logiciels professionnels sont vendus à des prix élevés, peu compatibles avec le prix d'une machine familiale. Tout dépend donc de la bonne volonté des fournisseurs. En l'occurrence, les premiers signes sont favorables, bien que les logiciels proposés actuellement couvrent de façon peu satisfaisante les besoins professionnels de base. D'abord, il y a les négociations entre Micropro et Amstrad pour l'adaptation de ses logiciels professionnels (voir SVM Actualités n° 16). Ensuite, dès à présent, Amstrad propose effectivement trois logiciels sous CP/M, ce que n'a pratiquement jamais fait par le passé aucun constructeur de machines familiales annonçant un lecteur sous CP/M : Micros-pread, un tableur hélas peu souple, limité à 550 cellules et doté d'un choix de formules mathématiques restreint ; Micropen, un gestionnaire de fichiers sans possibilité de tri ; et Microscript, un traitement de texte très moyen. Certes, à 580 F, avec des manuels médiocres et en anglais, ces logiciels sont peu recommandables ; mais enfin, leur existence à elle seule est encourageante. Objectif pro En attendant de meilleurs programmes sous CP/M, on se rabattra avantageusement sur Masterflle, une petite base de données relationnelle sur disquette d'un excellent rapport qualité/prix à 345 F, hélas en anglais ; Amlettre, un traitement de texte de 149 F en cassette, limité mais simple et agréable d'emploi, avec caractères accentués français qui sortent impeccablement à l'écran comme à l'imprimante ; ou encore Amsword, plus puissant à 295 F (il existe en Angleterre une adaptation du traitement de texte pour Spectrum Tasword). On trouve aussi deux autres tableurs que nous n'avons pu tester, Easy Calc à 195 F et Easy Amscalc à 245 F. Plus spécialisés, les quatre logiciels sur disquette de la série Brainpower, passionnants, très bien réalisés et instructifs pour 345 F seulement. Entrepreneur inculque les notions essentielles de la gestion d'une entreprise; Décision Maker guide la prise de décisions à répercussions économiques, suivant les gains espérés et leur probabilité ; Project Planner permet l'ordonnancement et le suivi des projets par la méthode du chemin critique ; Star Watcher, le plus impressionnant, permet aux passionnés d'astronomie d'afficher à l'écran une portion quelconque de la voûte céleste en choisissant le point du globe, l'heure, la date et l'angle ! Ces quatre logiciels comprennent un programme d'apprentissage et un programme d'application, ainsi qu'un excellent manuel, clair, pédagogique et complet.
Et les éditeurs français dans tout cela ? Dans leur ensemble, ils prennent le phénomène Amstrad au sérieux, avec toutefois un certain retard. Loriciels n'avait encore rien publié début avril, mais affirmait retarder son arrivée pour présenter de meilleurs produits et manifestait des intentions « très énergiques » sur cette machine. Cinq titres sont prévus d'ici fin mai, dont Rallye 2, une course de voitures en perspective avec 12 décors et un circuit modifiable à volonté, ainsi que Planète Base, un éducatif graphique sur les bases numériques. Rythme de sortie prévu : 4 à 5 titres par mois. Chez Mo Man's Land, on attend une dizaine de cassettes d'ici la mi-juin, dont Don Juan (jeu de stratégie amoureuse), Chéops (jeu d'aventures) et Optimum (budget). Le meilleur best-seller sur Amstrad se vend quatre fois plus que le meilleur best-seller sur Thomson, fait-on observer chez Innelec... Des « petits » comme Ere Informatique ou Cobra Soft ont décidé depuis plusieurs mois d'abandonner l'Oric au profit de l'Amstrad. Chez les « gros », tel Vifi-Mathan, en revanche, aucun signe d'intérêt,.. L'Amstrad ne possède pas encore des logiciels professionnels aussi puissants que le Commodore 64, par exemple ; ce n'est sans doute pas une machine recommandable dans l'immédiat pour un usage principalement professionnel. Il ne fait pas de doute, cependant, que les amateurs qui l'ont acheté en nombre croissant pour des usages variés ont peu de chances de s'être trompés. Reste à souhaiter que les programmeurs fassent bien leurs devoirs. Michel de QUILHERMIER , Petros CONDICAS , SCIENCE & VIE MICRO N° 17 - MAI 1985
|