GAMESDIVERS ★ Qui a peur des jeux vidéo ??? ★

Qui a Peur des Jeux VideoGames Divers
Cumulant les lourds mandats de jeu et de nouveauté technologique, les jeux vidéo étaient une cible idéale. Accusés de maux souvent infondés, ils représentent une culture d'où émerge, après 24 ans d'existence, ce qu'on appelle maintenant "le dixième art". Hier traqués, ils sont aujourd'hui envisagés comme une solution dans l'enseignement pour redonner le goût d'apprendre.

Dès le VIe siècle après un certain J-C, l'abbesse de Poitiers est confondue devant le tribunal des évêques parce qu'elle aurait été surprise en train de jouer aux "tables", autrement dit au backgammon. La répression des jeux entame alors une fructueuse carrière. Alors que l'Antiquité a regardé les jeux comme un don des dieux, les dés, par exemple, étant considérés comme un attribut de Vénus, le Moyen-Age les assimile à une invention du diable. De quoi faire perdre de son charme au français châtié de Geoffroy de Montmirail, comme en témoigne cette décision d'un magistrat de Lille en 1476 : les joueurs "seroient corrigiées et pugnis et de telle et si griève pugnition que tous les autres y prendront exemple". Dans le monde germanique, une application sévère de ce précepte s'abat sur les ancêtres des adeptes de la console avec, au programme, amputations, noyades, et peines capitales.

Le jeu d'échecs pas épargné

Même les échecs, activité de la noblesse pouvant donner lieu à des parties intéressées, sont parfois sur liste rouge, couleur sang. Implacable pour les jeux d'argent, légèrement plus ouverte aux jeux de hasard, l'Europe commence, à partir du XIII" siècle, à faire exception pour les jeux de jeunesse. Un débat s'instaure avec, à la clef, la véritable question en suspens : à quel âge se termine la jeunesse ? Il est alors souhaité que l'adulte n'ait pas un comportement d'attardé en continuant à jouer... La situation n'évolue qu'au XIXe siècle. Les jeux d'argent passent sous contrôle de l'état, la Française des jeux, avec un chiffre d'affaires de trente milliards de francs, est actuellement une des sources essentielles du budget de l'Etat, et la réprobation des jeux d'adultes se transforme en tolérance. Il faut cependant attendre 1938 pour que les thèses moyen-âgeuses sur le jeu ne deviennent totalement dépassées avec la parution d'un livre, Homo ludens : essai sur la fonction sociale du jeu. Dans cette œuvre révolutionnaire, l'historien néerlandais Johan Huizanga associe le jeu à la gratuité et à l'art, à la sagesse et à la science, et le place au centre de toutes les activités humaines. Une ondée de bon sens qui n'empêchera pas l'inquiétude millénaire soulevée par le jeu de reprendre, notamment à l'aube des années 80 lors de l'apparition des jeux de rôle, et en 1987-88, des "livres dont vous êtes le héros". Exposés à la critique en tant que jeu, l'imparable côté "nouveauté technologique" des jeux vidéo ne les a pas aidés. Rappelons, entre autres, que le Minitel a été accusé de comporter un mouchard, et que le 45 tours a creusé un sillon gros comme un fossé entre deux générations dans les années 60. Comme le soulignent Frédéric et Alain Le Diberder dans Mais qui a peur des jeux vidéo ? : "quand on ne dispose pas de la culture de l'autre, il est toujours tentant de la soupçonner".

L'autre regard

Existe-t-il des jeux vidéo racistes ?

Il s'agit là, avant tout, d'un bon sujet de scoop. Les informations en faisant état sont le plus souvent ni recoupées, ni vérifiées. De tels jeux ne sont jamais édités régulièrement et disponibles à la vente. Ni en France, ni ailleurs. Une des vertus du puritanisme américain est d'ailleurs une grande vigilance à l'égard du contenu raciste des publications destinées à la jeunesse, dont nous bénéficions pour des raisons de marché mondial. Seule exception notoire : les apparitions fugitives de croix gammées dans Doom. Les jeux vidéo sont-ils sexistes ?
Si Tetris rencontre chez les filles un succès légendaire, force est de constater que peu de jeux cherchent à les séduire. Suite à la brutalité des crises de 1977 et 1983, où les jeux n'étaient pas spécifiquement masculins (Pong, Pacman), presque tous les éditeurs ont préféré se concentrer sur la partie du marché la plus rassurante pour eux : les adolescents. On assiste cependant à une féminisation progressive du public.

La violence, omniprésente dans les jeux vidéo ? Sur l'ensemble des jeux disponibles sur le marché actif, un tiers repose sur des formes de violence. Dans une grande partie de ces jeux, elle est stylisée, même si une dérive possible des graphismes (de plus en plus réalistes) est à surveiller. D'autre part, ces jeux ne sont pas plébiscités par les pratiquants. Un sondage, effectué en 1992 par l'institut Ipsos (commandé par les Editions mondiales) auprès de joueurs pour la plupart âgés de 12 à 17 ans, révèle que les beat'em up et les shoot'em up sont classés respectivement en quatrième et cinquième place de leurs préférences, loins derrière les jeux de plates-formes et les jeux d'aventure. Dans les vingt meilleures ventes de jeux sur Pc aux Etats-Unis en 1993, seuls Comanche (2e) et Wolfenstein (20e) appartiennent à la catégorie dite "jeux violents".

Drôle de joujou

La plupart des décisions stratégiques prises au mois d'août, qui ont conduit à l'opération Bouclier du désert, ont été élaborées en une nuit grâce à un wargame. Dès le soir de l'invasion du Koweit par Saddam Hussein, Gulfstrike, jeu vidéo créé par Mark Herman, a envisagé devant les grosses huiles du Pentagone tous les conflits potentiels dans le Golfe persique. Deux mois plus tard, sort la mise à jour commerciale de Gulfstrike, Désert shield. Si les wargames sont une invention des Prussiens et datent du milieu du 19e siècle, les jeux vidéo ont quitté ce jour-là celui des joujoux pour entrer dans le monde des grands...

Penser avec les doigts

Au travers des traditionnelles critiques, émergent, comme par enchantement, les premiers apports des jeux vidéo. Car pour mener à ces prétendus envahisseurs, nombreux sont ceux qui ont cherché des raccourcis et comme David Vincent, beaucoup en ont trouvés. Fait d'autant plus exceptionnel qu'à notre connaissance, aucune étude scientifique n'a été publiée pour évaluer les effets positifs et négatifs de l'informatique et des jeux vidéo sur les usagers.

Suspectés d'être un facteur d'enfermement et de faire l'apologie des solutions individualistes, il apparaît dans diverses enquêtes menées auprès d'utilisateurs, que les jeux vidéo n'abrutissent pas l'être humain. Dans Les enfants de l'ordinateur, Sherry Turkle souligne même que "pour maîtriser un jeu vidéo, on ne peut pas se limiter au niveau conscient. Il faut penser avec ses doigts. Comme dans le sport, l'action physique et mentale doivent s'unir... Le fait de sentir une continuité entre l'esprit et le corps fait partie de l'expérience vécue de n'importe quel sportif de bon niveau". Il ajoute qu'enfants et adultes accrochés aux jeux vidéo recherchent un dépassement de soi-même par la maîtrise des jeux, et que la dépendance aux jeux a des motivations plus profondes : compenser un malaise à être dans la vie sociale, ou se recentrer sur soi-même.

L'esprit ludique

Mémorisation et anticipation sont les mamelles de toute pratique vidéoludique. C'est en effet sur la répétition (d'événements, en l'occurrence) que s'étaye la mémoire et tous les exercices de mémorisation (récitations, textes de théâtre...). Si les jeux vidéo n'accroissent pas les capacités intellectuelles, ils permettent, tout comme le rêve ou le

Un exemple de Tetris, un jeu plus féminin.

conte, un travail souterrain d'expérimentation de la vie. Ils sont, comme l'ont constaté des scientifiques américains, un "entraînement à la vie active". Sans crainte de sanctions réelles. Comme le montre Evelyne Gabriel dans Que faire avec les jeux vidéo ?, le jeu vidéo permet de s'exercer à comprendre la nouveauté, de s'entraîner à découvrir les lois qui règlent l'imprévisible, de trouver le plaisir à résoudre les problèmes et à surmonter les épreuves... : "c'est cela l'esprit ludique en général des jeux vidéo".

Du plaisir solitaire à la vie de groupe

Alors que le commun des Martel (en tête) s'imagine que le joueur s'isole dans sa pratique des jeux vidéo, il y apporte, au contraire, tout son héritage culturel et social. Les jeux vidéo, à la différence des autres loisirs, ne possèdent pas une pratique unique. S'il n'existe qu'une façon de lire un livre, la pratique des jeux vidéo peut être solitaire, en groupe, en réseau, voire même... simultanée avec un parent. S'il est raisonnable de penser que la pratique en solo représente le plus grand volume d'heures, rien ne permet d'affirmer qu'elle est le mode normal de jeu. La rivalité avec l'autre est le principe même du plaisir pris au jeu. Autre phénomène ignoré par ceux qui s'inquiètent de l'isolement provoqué par les jeux vidéo : l'existence d'une intense activité sociale au cœur du phénomène social lui-même. Depuis l'origine, les amateurs de jeux se regroupent en clubs, souvent avec le soutien des fabricants, comme les fervents de jeux d'aventures qui échangent trucs et solutions. Les réunions ont aussi parfois comme but l'échange de programmes, une forme de piratage peu propice à amuser les éditeurs. Les dix premières années de la micro-informatique ont en effet été dominées par cette culture de hackers, utilisateurs souvent très jeunes, passant des heures à "casser" les protections des jeux pour les mettre ensuite gratuitement à la disposition des autres membres du club. Les cartouches d'aujourd'hui étant presque à l'abri du


Barbarian, catégorie violence !

piratage, il s'agit à présent d'échanger les cartouches de jeux que l'on a "finis" contre de nouvelles, ainsi que de se mesurer à d'autres spécialistes. Dernière forme de relation sociale née de la pratique des jeux : les utilisateurs de vieilles machines, dont la bibliothèque de programmes n'est plus disponible en rayon, se regroupent en réseaux, sur le modèle des passionnés de vieilles voitures. Les enquêtes réalisées sur les lieux de vente témoignent d'une forte proportion d'achat effectuée par des groupes de jeunes, les isolés étant même, dans certains magasins, regardés comme des voleurs potentiels. Pour les familles les plus démunies, cela va même jusqu'à la stratégie de planification d'achat de l'équipement initial et des cartouches.

Une fonction sociale

Comme l'affirment les frères Le Diberder, "dans les cours de récréation, la circulation de l'information, les enjeux de reconnaissance, d'inscription de soi dans un groupe, des échanges incessants où des valeurs se créent et


Robocop 1 : quand le jeu fait écho au film.

se défont, sont les traces d'un indiscutable travail de socialisation. En revanche, il faut considérer l'abrutissement consécutif à une pratique prolongée à sa juste place : c'est le même que celui provoqué par deux heures intensives de grammaire ou de mathématiques". En outre, comme tout phénomène à la fois soudain et de grande ampleur, les jeux vidéo marquent une génération, c'est-à-dire produisent une séparation. Pour les parents, ce mur de génération n'est cependant pas infranchissable, et peut, au contraire, favoriser le dialogue familial.

Epilepsie : êtes-vous des 4000 ?

Le problème de l'épilepsie est emblématique des attaques subies par les jeux vidéo. La campagne de désinformation débute fin 92 par l<i mort d'un jeune garçon qui succombe à une crise d'épilepsie, provoquée par les lumières violentes et changeantes de l'écran de sa console. Le titre du quotidien populaire anglais The sun est le plus court chemin entre deux points de presse : "Nintendo a tué mon fils". Relayée par le Daily mail et le Sunday time, l'affaire bénéficie d'un large écho en France. Si les titres s'arrêtent à la conclusion que les jeux vidéo sont coupables, très peu signalent l'information essentielle : le malheureux garçon était déjà atteint d'épilepsie avant l'accident. La réalite sera rétablie dans des proportions nettement moindres, et le doute s'implantera solidement dans l'esprit du public au point de subsister encore aujourd'hui. Comme l'écrivent pertinemment les frères Le Diberder dans Mais qui a peur des jeux vidéo ? "cette campagne permet une fois de plus de noter avec intérêt les méthodes d'information de la presse quotidienne en matière de phénomènes de société."
Cet extrait du Bulletin de l'Ordre des médecins, daté d'octobre 93, rend compte des conculsions de la commission de sécurité des consommateurs : "5% seulement des patients ayant une epilepsie sont photosensibles, cette sensibilité à la lumière pouvant avoir un support génétique. En France, le nombre de patients photosensibles susceptibles d'être concernes par ce problème pourrait se situer entre 2000 et 4000. "

La commission de sécurité a donc émis un avis demandant, notamment aux fabricants de jeux vidéo, d'avertir dans une notice du risque de "crise d'épilepsie" qui existe lors de l'utilisation de jeu vidéo, pour toute personne déjà identifiée comme photosensible ou ayant des antécédents familiaux de photosensibilité ou des antécédents personnels de crise présentant les caractéristiques de crises d'épilepsie. Il doit être conseillé à tout utilisateur de jouer à bonne distance de l'écran (au moins cinq fois la diagonale de l'écran), avec un éclairage satisfaisant et pour de courtes durées et en déconseillant l'usage en cas de fatigue.


Les cinq plaisirs du jeu vidéo (selon les frères Le Diberder)

* Le plaisir de la compétiton lié, dans notre société, à la généralisation à tous les domaines de la performance sportive.
* Le plaisir de l'accomplissement : le Joueur part à la recherche du Graal dans les jeux de plates-formes et d'aventure.
* Le plaisir de la maîtrise d'un système.
* Le plaisir du récit.
* Le plaisir du spectacle.

D'autant que l'idée qu'un enfant occupé à la maison ne va pas faire de bêtises ailleurs leur chatouille vigoureusement le cortex cérébral...

La part barbare

La presse grand public a focalisé ses attaques sur les lasers et les jeux de combat, loin d'être la préoccupation fondamentale du public. La question est devenue alors une évidence : les jeux vidéo sont-ils éducatifs ? La réponse est apportée par le seul spécialiste à avoir consacré un ouvrage entier à la question, le pédagogue québécois Jacques Lorimier, dans Ils jouent au Nintendo... mais apprennent-ils quelque chose ? Son étude lui a permis de remarquer qu'il existe des jeux éducatifs, réalité qui suffirait à ranger la technique des jeux vidéo dans le groupe de celle qui ont une portée éducative. Mais le jeu vidéo est caméléon. Il prend la couleur de la cartouche insérée dans la console. La balle est dans le camp des parents. L'école peut aider à fixer, à transformer les apprentissages acquis en jouant. L'enseignement doit profiter des jeux vidéo et non s'opposer à eux. Pour Matignon,

Entrer dans une scolaire noire ?

Patrick Longuet, autre membre du Croupe de recherche sur la relation enfants/médias et qui travaille à l'IUFM de Chambéry, mène depuis septembre 1993, et pour une durée de trois ans, une étude sur la question "Les jeux vidéo influent-ils sur les résultats scolaires ?". La réponse est "non", d'après ses premières recherches conduites en Savoie entre novembre 1993 et juin 1994 auprès de 1100 enfants de l'école primaire. Il apparaît que "pratiquer des jeux vidéo est un moyen de reconnaissance entre les enfants et que celui qui ne joue pas perd un peu de crédit auprès de ses pairs". Il n'est pas possible d'affirmer si telle ou telle faculté des enfants se trouve stimulée ou brouillée par la pratique des jeux. Loisir de masse, les jeux vidéo traversent tous les clivages sociaux et scolaires, et leur fonction sociale se traduit surtout en terme de sociabilité (circuits d'échange, tribunes, discussions). De plus, "la teneur du lien entre les parents et les enfants à propos des jeux vidéo, qui séparent les générations comme à leur époque des 45 tours, est d'un abord délicat. De fait, les parents qui jouent avec leurs enfants incitent ces derniers à jouer plus longtemps, or, les joueurs qui consacrent trop de temps aux jeux risquent davantage de rencontrer des difficultés scolaires...". L'un des objectifs du Croupe de recherche sur la relation enfants/médias est la mise en place cette année d'un label de qualité pour les jeux vidéo, label positif destiné à éclairer le choix des parents, des enseignants et des éducateurs.


Sim city , pour tester vos talents de gestionnaire.

Sim earth ou Civilization, l'usage peut être fructueux. Et même un plaisir perso pour Mortal kombat, comme le révélait récemment MC Solaar dans Nova mag, peut-il remettre en cause la philosophie profondément humaine d'un poète-rapper.
Dernier aspect : l'apprentissage d'aptitudes ou de tournures d'esprit. Les travaux ne manquent pas, de la psychanalyse à la pédagogie, qui s'accordent sur un point : la violence est, pour un enfant, un des premiers modes d'adaptation au monde, aux choses et aux personnes. En offrant les conditions d'une prise de distance, essentiellement par la parole, et sans se substituer aux éducateurs, les jeux vidéo peuvent ainsi servir à captiver la part barbare des petits hommes. Et des plus grands.

La culture des jeux vidéo

A l'avant-garde de nouvelles technologies où l'interactivité joue le rôle prépondérant, les jeux vidéo annoncent une nouvelle forme de culture. Premier loisir populaire interactif, il a ouvert la voie à de nouveaux programmes sur lesquels travaillent aux Etats-Unis des consortiums nés des plus grandes firmes de télévision, du cinéma, de l'informatique et des télécommunications. Le marché des loisirs high-tech est estimé à 3 000 milliards de dollars au début du siècle prochain. Les fabuleusement fameuses "autouroutes de l'information" sont désormais en marche vers un monde où aujourd'hui devient rapidement l'ancêtre de demain. Et bientôt, devant son seul poste de télévision branché sur ordinateur, chacun pourra s'improviser comédien, metteur en scène et scénariste. Si les jeux vidéo ne sont plus une mode, ils constitueront bientôt un patrimoine, que Frédéric et Alain Le Diberder appellent déjà à conserver sur le modèle des cinémathèques. Normal qu'ils parlent alors, pour la culture des jeux vidéo, de "dixième art".

Entretien avec une spécialiste

Auteur de Que faire avec les jeux vidéo ? (éditions Hachette), Evelyne Esther Gabriel est psychomotricienne au Centre médico-psycho-pédagogique, lieu de consultations et de soins pour enfants de 0 à 20 ans. Elle vient d'entrer dans le Croupe de recherche sur la relation enfants/médias.

Dream : qu'est-ce qu'une psychomotricienne ?
Evelyne Gabriel : mon métier consiste à travailler sur le lien entre le corps et le psychisme, entre l'émotion et le mouvement. Les enfants dont je m'occupe ne sont pas handicapés physique, ils souffrent de troubles psychomoteurs liés à des difficultés d'ordre familial et sont pour la plupart en difficulté scolaire. Ils ont des problèmes pour se repérer dans l'espace et le temps.

D : comment en êtes-vous venue à considérer les jeux vidéo comme une thérapie ? EG : les jeux vidéo ne sont pas une thérapie en soi. Ils sont utilisés comme médiateur à visée thérapeutique. Ce qui compte, c'est la relation que j'entretiens avec les enfants pendant qu'ils jouent. Comme j'ai affaire à des enfants qui parlent peu, les jeux vidéo leur permettent de vivre au travers des personnages auxquels ils s'identifient. Les jeux vidéo sont un support intéressant, d'une part pour les images car les enfants vivent dans un monde d'images, et d'autre part pour l'interactivité, car les enfants peuvent intervenir, ne sont plus dans une position passive et expérimentent un autre rapport avec les images.

D : pour quelle raison ne considérez-vous pas les jeux éducatifs comme des jeux vidéo à part entière ?
EG : avec les jeux éducatifs, l'enfant s'entraîne à appliquer un savoir ou à acquérir des connaissances, et reste très lié au domaine scolaire. La plupart du temps, il se lasse. Je n'utilise ce type de jeux que lorsque l'enfant a retrouvé du plaisir à apprendre.

D : quels jeux vidéo utilisez-vous, et pourquoi ?
EG : les jeux de combat, comme Robocop ou Street fighter permettent à l'enfant d'exprimer son agressivité naturelle. Les jeux de stratégie ou de réflexion comme Lemmings ou Sim city stimulent le plaisir à réfléchir. Je pense qu'il est important de développer les jeux vidéo, qui sont des outils d'expression, dans les ludothèques et les centres culturels, car c'est un lieu de rencontres entre enfants. Ils se familiarisent ainsi avec l'outil informatique auquel ils seront forcément confrontés plus tard.

D : les jeux vidéo utilisés au quotidien à l'école, réalité vraie ou réalité virtuelle ?
EG : j'ai entendu parler d'une classe de perfectionnement du 18e arrondissement, les enfants utilisent déjà des jeux vidéo pendant les cours. Cette expérience est encore très rare ou très ponctuelle.

D : pourquoi pensez-vous que "l'image interactive permettra à l'homme de retrouver la distance que les images télévisuelles lui avaient enlevées ?"
EG : les jeux vidéo peuvent être l'occasion de retrouver une certaine distance par rapport à la télévision, dont les images nous submergent, grâce à l'interactivité et au choix du jeu. Le développement du multimédia offfre des outils de créativité qui peuvent inquiéter. Il existe un éclatement possible de la diffusion du savoir et de la culture. Un risque qui peut être également une chance. Il faut préparer les enfants à l'explosion culturelle du multimédia. Je ne sais pas si les gens en ont déjà conscience. C'est pourquoi j'ai écris mon ouvrage : pour y réfléchir dès maintenant.


Un classique : Lemmings.

Le dixième art

Comme la littérature, le théâtre ou le cinéma, les jeux vidéo suscitent la visite de mondes imaginaires, avec en prime une interactivité que ne saurait offrir aucun autre art ou spectacle. En pleine jeunesse avec bientôt un quart de siècle d'existence, les jeux vidéo n'en sont encore qu'à leurs balbutiements, comme l'était le cinéma en 1919, dont le premier film parlant, Le chanteur de jazz, n'est sorti que huit ans plus tard. Déjà, Wing commander III, fort de ses 20 millions de francs de budget et de ses 25 jours de tournage à Hollywood avec Mark Hammill (Star wars) en vedette, annonce une ère différente. Comme avant-guerre, lorsque sont apparus les studios américains de production de films. Aujourd'hui, aux Etats-Unis, le chiffre d'affaires de l'industrie des jeux vidéo est désormais supérieur aux recettes du box-office cinéma.

Une nouvelle écriture propre au jeu vidéo reste à inventer, promise par l'avancée des techniques. Car les scénarios, s'ils proposent plusieurs cheminements, s'inspirent toujours de la linéarité du roman. Les recherches en cours sur l'intelligence artificielle préparent une génération d'ordinateurs qui ne se contenteront pas de gérer les instructions et pourront, indépendamment de toute intervention humaine dans ses circuits, créer leurs propres intrigues. Seule la machine, artiste du monde virtuel, en connaîtra les clefs, la conclusion ou le but à atteindre appartenant encore à l'imagination humaine.

Pour l'instant, le dixième art s'inscrit dans la tradition, entretenant avec ses confrères des relations parfois étroites. Le cinéma, notamment, est au cœur de son évolution. Les séquences d'abord filmées, puis redessinées, s'intègrent de plus en plus dans les jeux vidéo. Tout comme l'utilisation d'images de synthèse, comme dans le récent film de Robert Zemeckis, Forrest Gump, présage de films entièrement écrits depuis son fauteuil de "cinéspectateur", tel un jeu d'aventure. Les bande-sons spécialement composées pour des jeux (Captain sensible pour Sensible soccer), les émissions télé interactives (saviez-vous que la télévision était le huitième art ?), Les passagées du vent , Alone in the dark adapté en BD... S'il est vrai, à notre connaissance, qu'aucun compositeur ne s'est essayé à la composition d'un opéra-rock sur les jeux vidéo, les échanges avec les autres disciplines ne sont pas lettre morte. D'autant que selon l'enquête menée auprès de jeunes enfants par Pierre Bruno dans Les jeux vidéo, "les joueurs possédant les connaissances vidéolu-diques et cinématographiques maximales sont aussi ceux qui utilisent le plus souvent l'écrit, que ce soit la presse (ils lisent tous un ou plusieurs périodiques) ou le livre (ce sont ceux qui lisent le plus grand nombre de livres par mois)". Comme il existe "une pratique vulgaire" de l'opéra, l'auteur rappelle qu'il revient à chacun d'avoir "une pratique savante" des jeux vidéo, qui, dans les cas constatés, s'accompagne d'une forte lecture de documentaires (histoire, sciences...) et d'un genre parascientifique, la science-fiction.


Death Wish III , un bon défouloir.

Demain, à l'école ?

Apprendre par le jeu est une très vieille idée... Beaucoup de parents s'étonnent de voir leurs enfants si concentrés devant les jeux vidéo, alors qu'ils sont distraits à l'école. A cette constatation, Evelyne Gabriel apporte un éclairage : "les jeux vidéo pourraient constituer un moyen pour des enfants en difficulté scolaire de (re)découvrir le plaisir d'apprendre. (...)". Que l'école permette cette expérience et assure les conditions de transfert de l'esprit ludique (des jeux vidéo) aux apprentissages scolaires, voilà qui donnerait tout leur sens aux visées intégra-tives de l'école. Les jeux vidéo à l'école, jeux éducatifs non compris, seraient toutefois un relais entre deux temps distincts, un pour jouer et un pour travailler, prolongé par un travail d'échange verbal ou d'écriture. D'ores et déjà, dans le domaine de l'enfance inadaptée, les jeux vidéo sont utilisés à des fins thérapeutiques. Gilles Delahaie, qui est infirmier en musico-thérapie, se sert également de jeux de plates-formes, "hyper-attractifs, plein de dessins qui accrochent les yeux et de synthèses vocales, afin de rétablir la communication avec des patients psychotiques. Quand ils s'éclatent, ils sont réceptifs et la discussion sur la vie de tous les jours peut s'engager. Il ajoute que loin d'isoler les personnes, l'ordinateur est avant tout une technique de médiation". Curieux retournement de situation...

Vidéomanes

D'une grande facilité d'accès, les jeux vidéo ont été victime de leur succès. Contrairement à une idée reçue, leurs amateurs ne sont pas avant tout des accros de la manette et sont la plupart de plain-pied dans le domaine du plaisir. De même, il ne faut pas rendre les jeux vidéo responsables de l'usage que l'on fait. La passion est un guide précocement aguerri. A l'instar des mélomanes, peut-être découvrira-ton bientôt sous la carapace de plastique et de lumière des adeptes de jeux vidéo, des vidéomanes.

DREAM - N°15 - FÉVRIER 1995 , https://cpcrulez.fr

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L'Amstrad CPC est une machine 8 bits à base d'un Z80 à 4MHz. Le premier de la gamme fut le CPC 464 en 1984, équipé d'un lecteur de cassettes intégré il se plaçait en concurrent  du Commodore C64 beaucoup plus compliqué à utiliser et plus cher. Ce fut un réel succès et sorti cette même années le CPC 664 équipé d'un lecteur de disquettes trois pouces intégré. Sa vie fut de courte durée puisqu'en 1985 il fut remplacé par le CPC 6128 qui était plus compact, plus soigné et surtout qui avait 128Ko de RAM au lieu de 64Ko.