Il fait hurler le vent dans Bivouac et joue du clavecin dans Les Passagers du vent... à l'aide de Music-Pro.– Comment avez-vous commencé à écrire des musiques de jeux sur micro ? – Il y a deux ans et demi, j'ai acheté un Amstrad CPC 464, car je voulais créer un outil me permettant d'écrire mes propres partitions. On n'en trouvait pas dans le commerce à des prix accessibles. Je n'avais aucune base en informatique. J'ai écrit en six mois un programme en Basic, qui a par la suite été commercialisé sous le nom Amstradeus. J'avais vu plusieurs éditeurs, j'ai observé comment cela se passait chez eux et j'ai décidé de créer ma propre société. Elle existait déjà depuis six mois quand j'ai commencé à collaborer avec Infogrames. J'ai commencé par développer les outils de programmation. Je me sers de Music-Pro depuis un an, j'en ai seulement amélioré la présentation, l'interfaçage homme-machine, afin de le rendre compréhensible par n'importe qui. – Vous composez la musique d'après les images? – Oui. Toutes les musiques des jeux Infogrames sont des musiques originales, créées pour le jeu. Il faut que l'ambiance sonore corresponde aux graphismes et au scénario. C'est un peu comme créer une musique de film, avec des moyens techniques qui n'ont rien à voir avec les méthodes traditionnelles d'enregistrement, puisqu'on utilise les ressources internes du micro-ordinateur, Charles Callet l'homme orchestre | – Travaillez-vous en relation étroite avec le programmeur du jeu ? – En fait, il y a souvent plusieurs programmeurs : un chef de projet, deux ou trois programmeurs, des graphistes... Je fais souvent la musique au dernier moment, lors de la phase de « débogage » du jeu, parfois deux ou trois jours seulement avant ou il ne parte pour la duplication : il me faut une demi-journée ou une journée au maximum. Je regarde le jeu, je vois comment ça se passe... Le plus dur, c'est de trouver l'idée. Je ne compose pas avec un instrument. Ensuite, je me sers de l'outil pour la créer. J'ai une vision d'ensemble du morceau , et je sais à l'avance où j'aurai des reprises. Music-Pro permet de faire des séquences courtes que l'on peut chaîner et répéter plusieurs fois. Quand on a l'habitude de travailler de celte manière, on n'est pas obligé d'écrire de longues séquences. La programmation elle-même prend environ une heure.– Les contraintes de mémoire sont-elles gênantes ? – Oui, cela varie selon les machines. Avec cet outil, je génère un code vraiment très compact, aux alentours de 1 Ko à la minute. Souvent, il me reste moins de 2 Ko pour faire les bruitages et la musique d'un jeu. C'était par exemple le cas avec Iznogoud. Sur la version Amstrad, la musique n'intervient qu'au moment de l'affichage de la page de présentation. Après, on n'a pu mettre que les bruitages par manque de place-mémoire. Ce n'est pas un problème de temps de réalisation, ni d'idées... |
– De quelle manière sont effectuées les conversions ? – Pour l'Amstrad CPC , le Commodore 64 et l'Atari ST, la musique est créée sur Amstrad, avec toutefois des vitesses d'interruption différentes, que Music-Pro permet de sélectionner. Pour Atari, je travaille au 1/150 de seconde, et pour Amstrad au 1/50 de seconde, afin que la musique ne ralentisse pas le jeu. La routine est complètement transparente. Pour rejouer au 1/50 de seconde un morceau écrit au 1/150, je n'ai qu'à changer quelques paramètres, des enveloppes de volume notamment pour les raccourcir en durée. Ce sera exactement le même morceau, mis à part le grain qui sera un peu moins fin à cause d'interruptions plus lentes. Toutes les musiques sont donc créées avec Music-Pro sur Amstrad, puis les fichiers de Data, les informations de (a musique elle-même, sont transférés sut les machines cibles. ST ou C 64, qui possèdent chacune un programme d'interprétation. – Prévoyez-vous de commercialiser une version de Music-Pro pour C64 ? – Non, je ne pense pas qu'il y ait de marché pour ce produit sur C64, Music-Pro sortira sur Atari ST et sur PC. La version PC comprendra une carte d'extension qui améliorera les capacités sonores de la machine en la dotant de deux voies supplémentaire. – Dommage pour le C 64, car son processeur sonore vaut bien celui de l'Amstrad et du ST... – Disons qu'il a de bons atouts, mais il a également des inconvénients. Il est meilleur sur le plan du « grain » du son, parce qu'il dispose de plusieurs formes d'onde, alors que le processeur de l'Amstrad et du ST ne produit qu'un signal carré. Le processeur du C 64 peut générer un signal sinusoïdal, carré ou en dents je scie. En revanche, il n'a pas de registre de volume indépendant pour chaque canal, ce qui interdit la création de véritables enveloppes de volume. Et puis il y a aussi le problème des interruptions. qui ne sont pas régulières. Lors de l'affichage de sprites, le processeur reprend la main et saute des interruptions, ce qui a une incidence gênante sur le tempo du morceau. Je suis obligé de garder des tempo un peu lents ou de ruser pour que cela ne se remarque pas trop. Sur le C 64, la partie audio est plus soignée, la préamplification du signal est meilleure. – Comment voyez-vous l'avenir de la musique des jeux informatiques? – L'avenir proche appartient à des machines comme l'Amiga, qui ont des processeurs sonores traitant des échantillons de sons digitalisés. On peut leur faire jouer n'importe quel son. Les machines seize bits sont également plus confortables en mémoire. – Quel jeu préférez-vous, parmi ceux dont vous avez écrit la musique ? – Le jeu qui m'a le plus passionné, c'est Prohibition sur Amstrad. La version Atari est trop rapide et perd de son charme. Chez Infogrames, je détiens le record avec le score de 130 000 points! Propos recueillis par Jean-Philippe Delalandre , Tilt 51 , Avril 88 |